L'ORGUE

Son Histoire

L'aventure de l’orgue de la Basilique Notre-Dame de Gray ne peut être saisie sans un bref rappel de son histoire, tant est profonde sa métamorphose depuis son implantation en 1728 par le facteur Valentin.
Déja, dès 1752, le célèbre facteur d’orgues Charles Joseph Riepp, alors installé à Dijon, est appelé pour achever l'oeuvre de Valentin ... qui ne peut finir. Nous ne connaissons pas la nature véritable de l'intervention de Riepp mais le fait de ne trouver aucun tuyau de Valentin à ce jour dans I'instrument, hormis les jeux de façade, laisse supposer qu'une sérieuse difficulté a pu apparaître d'emblée dans l'ensemble de la tuyauterie. Avec évidence, la construction des montres, intégralement conservées, témoigne des possibilités amoindries du facteur Valentin qui, à la fin de sa carrière, n'a plus qu'une main.

Le buffet d'origine conçu par Valentin est de belles proportions, et son charme est certain. Répondant aux normes classiques, il apparaît cependant vaste pour I'instrument initial de 26 jeux. Si I'ensemble est agréable à l'oeil, avec même une certaine élégance, il faut néanmoins noter diverses maladresses et quelques curieuses traces de naïveté dans les motifs. Certaines sculptures, très sommaires, semblent être de véritables sauvetages. C'est ici qu'il faut se souvenir de la pertinente réflexion (peut-être trop juste) de Philippe Hartmann en 1972 : «il s'agit d'un loupé sympathique ».

Si, en définitive, il ne subsiste que 90 tuyaux de Valentin en façade (61 pour le grand corps, 29 pour le buffet de positif), 314 appartiennent encore à Riepp pour un nombre global et vraisemblable de 1200 environ à l'époque de son intervention.

Cette première étape, essentiellement corrigée par Riepp, n'a pu pour autant survivre puisque Joseph Callinet de Rouffach, dès 1834 intervient radicalement. C'est alors que l’instrument est totalement transformé, pour des raisons esthétiques très concevables et, à coup sûr, pour des motifs techniques graves. L'instrument devient un orgue Callinet conforme aux goûts du moment, de transition, en prenant en compte une part de la tuyauterie de Riepp associée à celle de Valentin. Au départ d'une structure mécanique entièrement nouvelle - sommiers et claviers de 54 notes, pédalier de 27 notes, mécanique de tirage de jeux et de notes - l'instrument est alors porté à 37 jeux avec une certaine abondance de jeux d'anches. Les jeux typiques de Callinet y sont installés au risque, lors de la reconstruction d'aujourd'hui, de provoquer un relatif désarroi.

Malgré cela, très fidèle à la tradition classique, Callinet semble avoir tenu à conserver, avec le plus grand respect, les jeux de Riepp en perpétuant sans notables concessions (ou peu, quelques dents par exemple) les paramètres essentiels d'embouchage. Le fait est surprenant et mérite d’être souligné car il conditionne, en outre, la nouvelle harmonie de 1993. En fait, nous nous trouvons désormais en face de deux types de tuyauterie fort différents : les tuyaux de Callinet étant minces de parois et à bouches hautes, et ceux de Riepp étant épais et à bouches basses. Bien que réputées opposées, ces deux tendances, germanique, française, ont pu être conciliées au mieux lors de la restauration actuelle.

Avec Joseph Callinet, l'orgue de la Basilique Notre-Dame de Gray a certainement atteint son apogée. Nous n'évoquerons pas les restructurations postérieures des maisons Jacquot (vers 1870) et Cavaillé-Coll (1927) qui ont porté un coup sévère à son ordonnance en lui imprimant l'inévitable touche romantique d’alors : abandon de la mécanique suspendue, apport d'une soufflerie peu favorable à l'alimentation classique, abandon d'une grande partie de la tuyauterie ancienne.

Il est ainsi possible de résumer l’histoire technique de l’instrument :
- Le buffet appartient à Valentin avec sa tuyauterie de façade. D’aspect, il s’agit bien de l’orgue d’origine à l’exception près de l’élargissement du soubassement par Callinet dans le but de loger un plan de pédale important – bombarde de 16 pieds notamment.
- La mécanique est ancienne de Callinet dans la proportion de 70 % avec une part de 30 % reconstituée.
- La tuyauterie est ancienne de Valentin-Riepp-Callinet dans la proportion de 35 % (soit de 799 tuyaux historiques sur 2227).

La restauration de 1988 à 1993

PostagesL'orientation du projet de restauration pour un retour scrupuleux à la conception de Callinet découle d'une observation sérieuse et documentée faite par Claude Aubry, technicien-conseil auprès du Ministère de la Culture. En un second temps, Jean-Christophe Tosi, nouveau technicien-conseil, confirmera l'option prise en étroite collaboration avec Michel Chapuis, membre rapporteur à la Commission Supérieure des Monuments Historiques. Le projet adopté est sain, parfaitement logique, toute idée pour tenter de retrouver l’orgue d’origine dans sa situation désespérée relevait de l’utopie.

Le cahier des charges précis et exigeant a été la base de notre travail et la connaissance reconnue de Messieurs Aubry et Tosi des orgues Callinet a permis de fructueux échanges. Les composants anciens ont été totalement restaurés selon la pratique classique avec des matériaux conformes à la fabrication d'origine - colle chaude pour l'ensemble des sommiers et des peaux, soufflerie. en particulier.

Les composants nouveaux, de la mécanique principalement, ont été construits en copie de ceux des instruments pris en référence. Les orgues historiques de Mouthe, de Montbrison et de Sainte-Croix en Plaine ont été pour nous les modèles les plus favorables.

La tuyauterie a été reclassée, non sans difficultés et chaque jeu s'est vu compléter par des tuyaux neufs en copie. Dans cette fabrication très artisanale et traditionnelle, iI a naturellement été tenu compte de l'appartenance de chaque série à son esthétique propre. On notera par exemple, une reconstitution de la doublette du positif en copie de Riepp (11 tuyaux anciens), une reconstitution de la doublette du grand orgue en copie de Callinet (1 tuyau ancien) ...

Les difficultés de cette restauration

Les tuyaux avant restaurationL'état pitoyable de cet instrument littéralement abandonné dans son entretien jusqu'en 1988 a malheureusement réservé de trop nombreuses surprises. L'estimation réelle des dommages n'a pu être effectuée avant le démontage complet en atelier, voire même lors de la restauration proprement dite des pièces. La meilleure des études préliminaires ne pouvant être totalement réaliste sur ce point. II va sans dire que I'avancement des travaux a été sérieusement compromis par de nombreuses et progressives découvertes, le tout lié à un programme financier largement étalé dans le temps.

Si globalement, la nouvelle structure mécanique de l’instrument a pu être imaginée rapidement, un certain recul a été nécessaire pour la mise en harmonie. II s'agit bien ici d'un point capital dans la restauration, dans celle-ci en particulier. En effet, il s'agissait d'obtenir une synthèse cohérente avec un ensemble de disparités. II importait, à notre goût, de rendre cet instrument lisible sans le dénaturer. Nous pensons être arrivé à un résultat convenable que I'excellente qualité acoustique de la Basilique favorise. Concilier autant de paramètres différents (ceux de Riepp, ceux de Callinet, ceux de la tuyauterie moderne) a été une sorte de prouesse et la « petite bagarre » à laquelle nous nous sommes livrés avec certains jeux a été plus excitante que décourageante ... les embûches se sont dissipées peu à peu pour ne laisser place qu'à la musique. En matière d'harmonie, il est nécessaire de voir toujours plus loin. Au cours d'étapes successives, le facteur d'orgues doit comprendre ce que l'instrument va devenir, il doit le précéder pour le faire triompher, lui seul.

Toutes opérations confondues, cette restauration a nécessité un peu plus de 13 000 heures de travail. Dans ce temps, il faut noter que le buffet, fort endommagé, avec ses sculptures décomposées, prend une place importante - environ 2 250 heures en atelier et sur place.

La composition

la console



Composition détaillée :




GRAND-ORGUE : 54 notes
Bourdon 16'
Montre 8'
Bourdon 8'
Gambe 8'
Prestant 4'
Flûte 4'
Salicional 8'
Nazard 2' 2/3
Doublette 2'
Tierce 1' 3/5
Sifflet 1'
Cornet V
Fourniture V
Clairon 4'
1ere trompette 8'
2e trompette 8' (Coupée en basse et dessus au 3° UT)
Voix humaine

RECIT : 35 notes
Flûte 8'
Bourdon 8'
Prestant 4'
Cornet III
Hautbois 8'

POSITIF : 54 notes
Bourdon 8'
Salicional 8'
Montre 4'
Flûte traversière 4’- 8’
Flûte 4'
Doublette 2'
Trompette 8'
Fourniture III
Cromorne 8' (Coupée en basse et dessus au 3° UT)

PEDALE : 27 notes
Bourdon 16'
Flûte 8'
Bombarde 16’
Trompette 8'
Clairon 4'

TIRASSE GRAND-ORGUE - ACCOUPLEMENT A TIROIR